Résurgences
Installation à La Halle, Centre d'art contemporain de Pont-en-Royans
acrylique sur adhésif d'aluminium, film miroir, dimensions variables, 2023
réalisée avec le soutien de Sennelier
« En arrivant à Pont-en-Royans, je ressentais physiquement les mouvements tectoniques face aux contreforts du Vercors et ses horizons rocheux, face à cette terre qui bouge à une échelle de temps qui nous dépasse. La présence de l’eau est un mouvement en contrepoint de celui de la terre, avec de brusques changements de l’écoulement, parfois paisible, parfois destructeur, perceptibles eux, à une échelle de temps que notre champ de perception capte aisément.
« Il s’agissait pour moi de trouver un dessin qui traduit ces mouvements, en s’inscrivant dans un entre-deux, avec une figure qui semble se mouvoir alors qu’elle est immobile, laissant penser à un possible mouvement lent. L’intégration sur la matérialité des murs du lieu est en ce sens très importante pour moi, car elle attache le dessin à la matière : ces pierres ou même le béton de la dalle, ces objets forgés pour les grilles des fenêtres bouchées en façade pour le projet initial, la couleur relie tout ce qui a évolué du fait des vicissitudes du temps (évolution des usages, effondrements, guerre et bombardements, reconstruction...). Il fallait aussi que le dessin paraisse émerger avec énergie du courant, comme si les eaux d’une résurgence de la Bourne traversaient le centre d’art. »
« Mari Minato est une artiste qui transforme et transpose. Ses œuvres sont animées par la volonté de ne pas figer, de donner à voir un mouvement et une forme en devenir. C’est tout naturellement que sa pratique se place à cheval entre plusieurs temporalités. Fascinée par les strates de l’histoire, et de la préhistoire, elle s’intéresse aux apparences des lieux et des peuples d’aujourd’hui et du passé. Ainsi, des traces de vies ou des changements naturels opérés dans les siècles convergent dans son travail. Il en ressort des formes courbes et abstraites qui sont comme un alliage entre les époques, un fragment suspendu et déjà mué. Couleur et transparence, reflets et iridescences, mouvement et variations. L’œuvre de Mari Minato se caractérise également par la fluidité de ses objets, par la porosité des différents espaces qu’elle investit, ainsi que par la vitalité des teints ou la douceur des nuances de sa peinture. »
« L’artiste travaille en équilibre entre l’échelle d’une page de carnet, où elle transcrit ses expérimentations par le dessin, et celle des murs des bâtiments où elle est invitée à intervenir. Les formes abstraites qu’elle trace au pinceau, dans un geste tant sûr que spontané, sont l’aboutissement d’un lent glissement à partir d’images bien réelles que l’artiste reproduit d’après nature ou qu’elle archive suite à des recherches muséales et historiques. Ainsi, elle collecte et métamorphose des paysages, des cartes, des objets ou des artefacts anciens. Dans ses cahiers densément remplis, la représentation fidèle d’un bracelet de l’époque gallo-romaine – par exemple – évolue jusqu’à perdre tout trait familier. »
« Pour la Halle, Mari Minato propose une installation dans l’ensemble des salles qui rend hommage à l’eau. Fluide, cet élément façonne pourtant les matières les plus dures. Mobile, il est associé, dans différentes cultures et civilisations, à la vie et au passage du temps. Résurgences est une œuvre immersive qui invite à la contemplation, qui relativise notre action et notre place dans une continuité géographique et dans une durée plus vastes et hétérogènes. »