Notes, entre deux fleuves
Exposition personnelle à la Galerie Eric Dupont | 27 avril – 22 mai 2017
Présentation de travaux récents et de l'installation « Série Minéraux XXV, Gyrolite »
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Quand l’œil reste accroché aux traces disséminées par Mari Minato et quand il s’abîme dans la vibration de leurs couleurs, c’est comme une pensée qui se forme, par isolement, bonds et mises en relation et à travers ce mouvement, c’est un espoir qui se lève de la possible « retrouvaille d’un sens ». Certains passages empruntés aux lectures de l’artiste confortent une telle approche. Ainsi les « Notes sur ma cabane de moine », où Kamo no Chômei médite sur l’impermanence : « La même rivière coule sans arrêt, mais ce n’est jamais la même eau. De-ci, de-là, sur les surfaces tranquilles, des taches d’écume apparaissent, disparaissent, sans jamais s’attarder longtemps. Il en est de même des hommes ici-bas et de leurs habitations. » Outre ce mode d’existence des choses intermittent et passager, c’est par le regard sans inquiétude porté sur cette fugacité que l’artiste rejoint le sage quand il affirme : « J’assimile ma vie à un nuage inconsistant, je n’y accroche pas mon espoir et n’éprouve pas non plus de regret. » Et à telle question de Claude Lévi-Strauss, relevée dans ses carnets, « un si pauvre souvenir mérite-t-il que je lève la plume pour le fixer ? », elle répond en prenant l’espace dans les mailles lâches de ses tracés, en fixant des lambeaux, par le geste et la peinture, malgré la vanité et en dépit de la disparition annoncée. Et si elle ne renonce pas, c’est aussi parce que, dans sa façon de mettre en œuvre l’espace, le blanc de la feuille ou du mur n’est nullement assimilable à un vide. Appelées sans doute par la culture orientale de l’artiste, les analyses que François Cheng a consacrées à ce pôle et à son opposé, le plein, dans la peinture chinoise viennent à l’esprit : ce vide qui est « tout le contraire d’un ‘no man’s land’ » puisqu’il « permet le processus d’intériorisation et de transformation par lequel toute chose réalise son même et son autre, et par là, atteint la totalité ». Dans un paysage ainsi représenté, le Vide ne sépare pas la Montagne de l’Eau, au contraire c’est en lui que se noue leur « relation de devenir réciproque » ; il est un « signe » par lequel, qui plus est, « les autres unités se définissent comme signes ». Transposées à la peinture telle que la pratique Mari Minato, de telles réflexions permettent de qualifier le blanc dans son rapport aux tracés, lequel loin d’être neutre, propose bien davantage une « compréhension », une « entente » . Plus généralement, le support joue un rôle des plus actif et il faut cette interaction pour que la trace devienne signe, suscite l’espace et à partir de lui, mette la peinture et le sujet à l’épreuve du monde.